"Boostraper" selon le baron de Münchhausen


Dany Marquis

Il y a de cela un certain temps déjà, le baron de Münchhausen, un officier allemand, mercenaire à la solde de l'armée russe, s’était vu confier une mission des plus secrètes par nul autre qu’Élisabeth 1ere de Russie. Durant son périple rempli des plus merveilleuses prouesses, il y en a une particulièrement surprenante que j’aimerais vous partager.

Cela se passait en Crimée, au sud de l’Ukraine, alors que le baron chevauchait vaillamment à la poursuite d’une troupe de l’armée turque de l’Empire ottoman, lorsqu’il tomba dans une fosse remplie de boue visqueuse et collante que les Turcs avaient recouverte de feuilles mortes.  
Impossible de l’éviter tellement le subterfuge avait été soigné.

Et voilà le baron complètement pris dans la boue jusqu’à la taille, toujours assis sur sa monture qui en avait jusqu’aux oreilles. Après avoir pris quelques secondes pour analyser calmement la situation, le baron de Münchhausen serra de ses cuisses son cheval qui s’efforçait de respirer, le museau en l’air dépassant de quelques centimètres. L’homme saisit fermement les ganses de ses bottes et tira de toutes ses forces en hurlant la rage qu’il ressentait envers les Turcs. Il s’extirpa ainsi d’un seul coup de la fosse, donna quelques tapes d’encouragement sur la croupe de sa mouture et reparti de plus belle à la poursuite  de l’Armée turque maintenant transie de peur en entendant le hurlement du baron.

Voilà d’où vient l’expression bootstrapper (ganse de botte en anglais). Certains diront que le terme vient en partie de l’univers des start-ups en logiciel, où un boostrap était un petit logiciel qui en faisait démarrer un plus gros. Ils n’ont pas tout à fait tort, mais je préfère l’histoire du baron. Cette version possède un aspect miraculeux et plus excitant que l’image de programmeurs penchés sur leur ordinateur dans un sinistre sous-sol. Car, tout le monde sait que les programmeurs travaillent tous dans de sinistres sous-sols.  

Alors, que vous soyez, comme moi, un partisan du baron, ou encore des programmeurs, l’idée derrière, la philosophie du bootstraping revient au classique : « faire plus avec moins » maintenant pour faire beaucoup, beaucoup plus, plus tard.

Les entreprises qui bootstrappent, désirent attirer de gros investisseurs en démontrant l’extraordinaire potentiel de leur entreprise avec des présentations convaincantes d’une rentabilité d’opération immédiate. Présenter son projet lorsqu’on est passionné est souvent très naturel. Toutefois, atteindre une rentabilité immédiate, et ce, peu importe le type de projet, est un sport extrême.

Donc, « faire plus avec moins », mais dans une version plus positive, plus sportive, même miraculeuse.

Dans le domaine du démarrage d’entreprise, nous sommes habitués à voir de gros projets, appuyés par le gouvernement et les organismes locaux, et pour lesquels politiciens et médias seront au rendez-vous le jour de l’ouverture.   Vous serez d’accord avec moi que cette formule n’a pas vraiment profité à la Gaspésie dans le passé. On peut voir plusieurs cadavres de belles entreprises pleines de promesses à vendre lorsqu’on en fait le tour. Vous comprendrez donc que je suis un partisan des start-ups et que je me sens un peu comme un évangéliste en mission lorsque j’en parle. Selon moi, il devrait y en avoir plus, et on devrait être autant excité par cette démarche que par les prouesses d’une équipe sportive locale.

Contrairement au gros projet qui démarre financé au maximum, bootstrapper signifie démarrer une entreprise avec le minimum de financement, dans le but de la propulser plus tard en attirant des investisseurs. Car, en matière de financement, croyez-moi, démarrer les poches pleines n’est pas nécessairement l’idéal. En fait, une entreprise qui démarre petit, en optimisant  ses ressources, présente une bonne façon d’assurer sa fondation en prévision d’une croissance rapide.

Dernièrement, une dame qui avait prédit la fermeture de mon entreprise il y a de cela quelques années me demandait comment j’avais pu me sortir de ma crise de liquidité. Et bien madame, j’ai serré mon cheval de mes cuisses, saisit les ganses de mes bottes et tirer le plus fort possible en hurlant ma rage contre ceux qui m’avait refusé le financement dont j’avais besoin. Une fois sorti du trou, j’ai remercié ceux qui m’avaient dit non, car sans eux, je n’aurais jamais cru possible qu’on puisse se sortir d’un trou de vase en tirant sur ses ganses de bottes.

 Dany Marquis


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