Prix à la tasse ou prix au kg?


Dany Marquis

 

J’ai publié cette semaine sur les réseaux sociaux ce texte paru dans le New York time le 7 février :

With Coffee, the Price of Individualism Can Be High

Et j’ai fait depuis cette lecture, un petit questionnaire maison, qui me démontre et me confirme que le marché du café à la maison vit une véritable révolution.  Notez, qu’on le savait déjà avec l’arrivée de K-cup et Nespresso, la préparation est maintenant complètement différente et réduite à la simple pression d’un bouton. Mais la révolution qui sévit et qui est selon moi la plus importante se situe au niveau de la perception du prix du café.

Avant que k-cup et Nespresso arrivent, le consommateur basait sa décision d’achat sur la qualité, la marque, l’emballage et le prix. Le prix, était alors basé sur une évaluation du dénominateur commun, le prix au kg (ou à la lbs).

Pour vous donner une idée, voici un petit tableau :

 

Marque Prix au kg (2012)
Brûlerie du Quai gamme classique 32$
Brûlerie café des Artistes Gaspé 29$
Nabob Mélange du Matin 23$
Tim Horton 19.30$
Van Houtte gamme origine 34$
Lavazza 16.80$
Maxwell House 16.10$
StarBucks 35$
Brûlerie St-Denis 37$

 

Je fais cet exercice régulièrement pour savoir où se situent mes prix. Vous pourrez constater que Brûlerie du Quai est bas. Nos cafés de la gamme classique sont des arabicas de classe « spécialité » et mon prix devrait être autour de 35,00$ au lieu de 32,00$. Mes cafés de type grand cru (gamme Prestige) se détaillent selon l’origine ( ex : Rwanda Bourbon AA = 44,50$ / kg ). Nous sommes habitués à ce type de comparaison, les épiciers nous aident en mettant sur les étiquettes le prix au 100g de tous les produits, nous permettant de faire une comparaison éclairée.

L’arrivée des cafés portionnés (k-cup, Nespresso, pods, etc) a fait exploser les prix de vente du café, tout en faisant exploser les ventes au consommateur. Les torréfacteurs artisanaux, comme nous, on vu nombre de leurs clients déserter pour les k-cups, plusieurs bureaux ont délaissé la cafetière traditionnelle, les bureaux d’avocats ne jurant que par Nespresso, etc. Et on s’est regardé en se disant : « ils paient le café le triple de ce qu’on leur vend et ils sont contents? »

 

Marque Prix Prix au kg (2012)
Café K-Cup Van Houtte Kenya 12 k-cup (9,1g par k-cup) 9,29$ 84.50$
Tassimo Nabob Mélange Matin 14 pod (8,8g par pod) 8.49$ 69.10$
Nespresso (5g) Livanto 1 capsule 0.68$ 136,00$

 

J’arrête mon tableau à trois éléments avant de me mettre à pleurer. 136,00$ le kg! On peut se payer un #1 du Cup of excellence pour ce prix!

Pour moi k-cup c’est de la merde mais Nespresso vaut la peine d’être considéré et très sérieusement. Pour le marché résidentiel, Nespresso représente la meilleure option pour l’amateur de café. Pour 200$ tu as une machine qui va te donner un espresso probablement meilleur que bien des coffeeshop au Québec. Pour 200$, tu peux aussi t’acheter une Bréville Café Roma et vouloir t’acheter une masse de 15lbs pour la détruire au bout de 2 mois tellement ça travaille mal. Bref, Nespresso, est selon moi la meilleure option. Ça ne m’empêche pas de les haïr et de les admirer en même temps. Je les admire car ils ont modifié le marché et la perception des consommateurs. Et voici mon questionnaire:

  • Pour qualité équivalente qu’est-ce qui est acceptable un café à 32$/kg  VS 136$ /kg ?
    • Réponse : 136$ c’est bien trop cher!!  J’irais pour le 32$
    • Si on considère une tasse de café, quel prix vous semble le plus juste?  0,32$ ou 1,36$?
      • Et c’est là que ça dérape et que je retrouve la révolution en cours…

Lors de la 2e question, la moitié des gens comparait le prix du café avec le prix à la tasse au coffeeshop. L’élément de comparaison ne semble plus être le prix au kg mais le prix à la tasse achetée dans un café ou un restaurant. Et un fin-finaud de me dire : « Dany, ton espresso, je le paie 2,25$ dans ta boutique, 1,36$ pour Nespresso, le matin à la maison, c’est presque 50% moins cher! »  J’aurais pu lui expliquer que sur le 2,25$, je paie le loyer, le téléphone, l’amortissement de ma cafetière espresso, le salaire du barista, etc, mais je ne l’ai pas fait. J’ai alors compris ce que Nespresso avait réussi :

Ils ont changé le dénominateur commun. On ne base plus sur le prix au kg mais sur le prix à la tasse.

J’ai même des amis qui ont maintenant des Nespresso (je ne les ai pas reniés encore). C’est simple, propre, bla bla bla et en plus, ça coûte moins cher qu’au café du coin.

Et voilà! En plus de payer du café 136$/kg, Nespresso les a convaincus que c’était moins cher qu’au café du coin. Ils ont l’impression de faire un « deal » !

Jusqu’à maintenant, j’ai déversé mon fiel à tout vent à propos des acheteurs de café qui paient entre 75$ et 170$ le kg pour du café ordinaire, mais maintenant j’ai compris que le dindon de la farce, c’est le micro-torréfacteur du coin, qui vend son café à 30-35$ le kg et qui se fait dire que c’est cher. J’en ai d’ailleurs vu un ce matin en me regardant dans le miroir, et je me suis pas gêné pour lui dire : « Arrête de chialer, c’est toi l’épais qui sais pas comment vendre ton produit »  Et c’était dit, je ne sais pas comment il va le prendre, il ne m’en a pas reparlé. J’ai bien hâte de voir.


2 commentaires


  • Deny Bisson

    J’abborde dans le même sens que Pascal à ce sujet. Je dirais même que Nespresso est un assage obligé vers l’espresso traditionel. Soyons contients qu’on part de loin au Québec en matière de Café. Mes parents ont préparés du café dans le percolateur au Pyrex pendant plusieurs anées jusqu’à l’arrivé d’un Mr Coffee à la maison. Ça a toujours resté un café de piètre qualité. Sans compter que le café moulu était ranci bien avant qu’on le consome. Et je passe sous silence les amateurs de café instantané qui cherchaient la simlification à son état pur. Ouach…

    Je pense que l’intérêt massif vers la machine à utilisation simle indique simplement que le public en général est à la recherche du nirvana et qu’il se fie sur la publicité pour y arriver. On peut évangéliser autant et aussi fort que possible, on est pas de taille au combat contre les moyens financiers des multi-nationnales. L’intérêt au café de qualité passe par l’éducation et pour l’nstant c’est les Tim et Nespressos de ce monde qui éduquent pour nous. On a jusute à voyager en groupe un peu pour comprendre ou en est la poppulation en général. Lors de voyages en France, Italie, Royaume-Uni, Croatie (ou j’ai bu les meilleurs espressos de ma vie,peu importe ou j’arrêtais), le commentaire le plus fréquents au moment du retour quand les gens attendent à l’aéroport c’est: j’ai hâte de prendre enfin un bon café chez-nous. Tant qu’à moi s’en dit long sur nos habitudes Nord-Américaines.

    La tâche d’évangélisation revient en premier lieu aux CoffeeShop spécialisé. Ils devraient offrir à leur clientèle un café exemplaire, gustatif, riche en arômes, bref ce qu’on s’attends d’un spécialiste. Plus souvent qu’autrement on nous sert de la piquette à 3,50 – 4,00 $ la tasse. Pas surprenant que le public se lasse de payer pour la mauvaise qualité. Bien entendu, je parles de mes expériences et j’assume ma piètre compétence pour sélectionner un café digne de ce nom.

    Heureusement qu’on a l’exemple de BDQ qui évangélise de la bonne façon. Un jour, les gens chercherons mieux que la nouvelle vague et souhaitons que nos apôtres auront réussis à éduquer le palais du public en général pour découvrir nos joyaux torréfacteurs. J’ai pour ma part 5 personnes à qui j’ai fait découvrir la base d’un café de qualité, soit un café fraichement torréfié et moulu à la dernière minute avant l’extraction. Ils utilisent différentes techniques d’extraction et sont tous convaincus qu’ils font mieux à la maison que ce qu’ils trouvent à l’extérieur.

    C’est donc possible de convertir certaines personnes, mais impossible de les convertir tous. Heureusement il y a une place pour chacun dans notre société.

    Bien à vous,


  • Pascal Villeneuve

    Salut, je ne te connais pas mais je suis tombé sur ton blogue par un retweet de @cefevrac

    J’ai bien aimé ton article, c’est le fun de voir un Québecois faire la promotion du “specialty coffee”.

    J’avais aussi lu cet article concernant le prix des K-Cups et Nespressos et j’ai aussi compris quelques petites choses.

    Les gens achètes la simplicité et le côté pratique quand ils achètent ces machines, ça n’a rien à voir avec la qualité du café. Ils veulent une solution à un bouton, vite, simple et propre et sont prêts à payer pour ça.

    Même-moi aujourd’hui, quand quelqu’un me demande quel machine à espresso s’acheter, je n’arrive pas à leur en recommander une. Je leur demande: Est-ce que vous allez aussi vous acheter un moulin, et moudre votre café juste avant de le préparer, est-ce que vous allez aussi acheter du café frais et le consommer dans le “gros maximum” trois semaines après sa torréfaction ? Si la réponse est non à l’une au l’autre de ces questions je leur dit de s’acheter une Nespresso. Car si ils ne font pas ces deux étapes très importantes, peu importe la machine qu’ils vont acheter ils seront déçu du résultat. Ils auront payé 400$ pour une machine qu’ils vont trouver beaucoup trop compliqué et qui demande beaucoup trop de temps pour un résultat très décevant. La Nespresso vas leur préparer un café toujours pareil de qualité probablement meilleur que ce qu’ils buvaient avant en un tour de main. Et pour eux ça n’a pas de prix.

    Moi je suis un passionné, je roast mes beans, j’ai un moulin à 500$ une machine à 2000$, je suis sur les forums de cafés, je lis des livres, j’achètes des machines comme des Vacuum Brewer ou des aeropress pour m’amuser à comparer les différences, et je suis toujours à la recherche d’un nouveau torréfacteur de café spécialisé. Je suis prêt à payer 20-25$ la livre pour essayer des cafés d’exception, mais je ne représente pas le grand publique, je fais parti d’une “niche market”, un marché très pointu de gens passionnés, peu nombreux mais qui grâce à l’internet deviens de plus en plus nombreux, et je pense que les micro-torréfacteurs ont plus de succès à courir après ce marché très spécialisé qu’à essayer de convaincre le grand publique. Un bon example, http://socialcoffeecompany.com/ qui a ouvert il y a à peine deux ans je crois c’Est fait un nom rapidement sur les médias sociaux et sur les sites comme coffeegeek.com et home-barista.com

    Comme je te le dis j’ai pour ma part abandonné, j’explique aux gens que du bon café ça ne coûtes presque rien comparé à du vin ou autres boissons populaires. Un moulin à 200$ un aeropress à 45$ et du café frais d’un torréfacteur qui peut te garantir la fraîcheur de la torréfaction et le monde du café exceptionnel est à ta porte. J’ai pas encore réussi à convaincre personne, je passe pour un capoté, je le suis un peu ;-)

    Dans l’histoire du café il y a eu plusieurs tendances allant vers la qualité puis vers le côté pratique, le café instant est un bon exemple, et tout ce qu’on appelle le “third wave” et le “speciality coffee” des dernières années sur la côte ouest canadienne et américaine en est un autre.

    Je ne sais pas si tout ça fait du sens, mais ton article m’a porté à réfléchir et j’ai écris ici ce qui me passait par la tête.

    Bonne chance avec ta boutique, je passerai surement une commande quand mon abonnement avec Social Coffee sera terminé.

    Merci de me lire
    Pascal
    twitter.com\pascalvilleuv


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