Pour du café attendri


Dany Marquis

J’ai beaucoup de plaisir à déguster une tasse de café, bien préparée, aromatique et complexe.  Les sensations que j’éprouve vis-à-vis ce breuvage proviennent autant des plaisirs reliés à la consommation que de la conscience du travail effectué, de l’agriculture à la tasse, et je demeure envahi de respect.  Et c’est avec humilité que j’envisage mon travail en fin de chaîne, travail consistant à exprimer de mon mieux le terroir de chaque café, par le processus de torréfaction.  Et on travaille fort pour le faire car je sais que la production de café est ardue et ingrate, comme peut l’être l’agriculture.  Et c’est à cause de cet état d’esprit que je demeure pantois devant la mode grandissante de dégradation du café, avant la torréfaction, supposément pour l’améliorer. 

Peut-être suis-je déjà figé sur mon époque, et condamné à dire à mes petits-enfants : « Dans mon temps, on avait du vrai café, pas du café qui est passé par l’anus d’une bestiole exotique! »  C’est dit!  J’ai l’impression que chaque pays autour de l’Équateur se cherche une bestiole qui bouffe du café, quitte à en trouver une et à l’encourager fortement à ingérer les fruits du caféier.    

Certaines personnes, cupides, ont vu qu’il était possible de ramasser la merde d’une civette indonésienne, de laver les grains de café et de vendre ça à prix de fou.  

Et le bal continue avec les éléphants ...

À quand l’huile de pépin de raisin provenant des excréments de blaireaux qui vivent librement dans les vignobles et qui bouffent les grappes?

Mais qu’est-ce qu’on peut bien trouver qui bouffe quelque chose et qui permet de le vendre e à 100 fois le prix?  Après le phénomène des start-up, voici comment devenir riche en peu de temps…

Et si je donne juste de l’eau d’érable à une chèvre durant 6 mois, ça donne quoi?  J’ai une idée, on va faire bouffer de la graine de lin aux poules!  Ah!  On me dit que ça existe déjà…

Je suis mal à l’aise avec cette forme d’innovation et m’inscris dans la tradition de torréfaction des cafés qui n’ont pas passé par l’anus d’une bestiole.  Eh oui, et on n’essaie même pas de trouver des façons de tripoter le café pour nous permettre de vous raconter une histoire et de vous le vendre plus cher.

On pourrait dire :

Avant de le mettre dans le torréfacteur, un membre de l’équipe prend le sac de 60kg de café vert et l’amène prendre une bière à la brasserie d’à coté dans notre luxueux camion de livraison.  On lui parle un peu et on lui raconte des anecdotes et des blagues salaces.  Durant notre monologue,  le grain, tout doucement, s’attendrit, libre et heureux.  Durant ce temps,  nous, à l’atelier, on réchauffe la cuve du torréfacteur.  Et quand le café « attendri » revient à sa destination initiale, on le prend par le haut, on lui fend le dessus, on le sépare en trois et on le sacre dans le torréfacteur à 375°F.  C’est qu’on appelle chez nous « attendrir le café ».  Nous sommes les seuls au Québec, et peut-être au monde à utiliser cette méthode d’attendrissement du café.  Ce procédé typique à la Gaspésie permet de diminuer l’amertume du café et permet de diminuer la cruauté qu’on réserve habituellement au café.  Semblable aux dernières volontés du condamné à mort, son dernier repas, sa cigarette, nous permettons aux grains de s’épanouir malgré le triste destin qui l’attend.  À la Brûlerie du Quai, nous projetons notre humanité dans notre torréfaction par notre processus unique d’attendrissement de la fève. 

Il y a le café de torréfaction supérieure.

Il y a maintenant le café attendri.

Dany Marquis

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



1 commentaire


  • Deny Bisson

    Hé bien pourquoi pas acheter Canadien tant qu’à y être!

    http://www.kijiji.ca/v-view-details.html?requestSource=b&adId=1098469908


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