Une roche dans mon moulin?


Dany Marquis

Cette semaine nous avons procédé à la dégustation d’un nouveau lot de café.  Un brésil Cerrado screen 19, naturel dry process, avec la mention spéciale SSFC.  SS pour  « Strictly Soft » et FC pour « Fine Cup ».  Bref, un des meilleurs grains qui peut sortir de la gigantesque machine brésilienne, un des principaux producteurs au monde.    

On a torréfié ce grain mardi, légèrement, afin de satisfaire les palais délicats de nos clients  ;-)   Le lendemain, on procède à l’habituelle dégustation en piston.  Intéressant mais encore trop près de la torréfaction.  Le surlendemain, même étape, et là ça devient captivant.  Noisette grillée, caramel, belle texture.  Très prometteur.  On l’essaie alors en espresso.  Ouach!  Arôme de cul de singe et ajax.  Bon, j’exagère un peu mais c’était vraiment mauvais et je suis un délicat du palais.  Panique.   Mon équipe me regarde bizarrement puisque j’ai acheté ce lot pour l’intégrer dans nos plus populaires mélanges espresso…

On repart alors les tests en piston.  Résultat remarquable!  On en conclut donc qu’il y a quelque chose qui cloche avec le set-up espresso.  Je refais le test en espresso, et voilà que la tasse est différente de la dernière fois, pas vraiment bon mais différente.  Je saute alors sur le moulin pour une inspection.  Je remarque que le moulin fait un son légèrement différent.  Je décide donc, d’inspecter les meules.  Je retire le cône, vide tout le café et retire la meule supérieure.

Surprise!  Une roche dans mon moulin!Photo credit: Andrew Pittle, http://andrewspittle.net/2013/01/16/a-happy-cup-of-coffee/

Je retire alors le parasite, referme le tout, réajuste les meules, remets le café et me fais une shot d’espresso.  Et voilà!  Mon espresso goûte alors ce qu’il devrait goûter et me rassure sur mon achat.  Le brésil fait un espresso vraiment bien, tout en texture avec la pointe de noisette, très douce et agréable.

La foutue pierre, de la grosseur d’un pois, modifiait donc la mouture en fracturant la fève de café de façon chaotique et donnait une mouture inégale probablement saturée de poussière.  Un beau cas de troubleshooting des 4M .

Une roche dans le café?

Eh oui, ça arrive.  Très rarement mais ça arrive même aux meilleurs.  Pourtant,  même en achetant les meilleurs grains qui sont passés dans un « destoner » au triage avant l’exportation, et au repickage manuelle, (voir photo ci-dessous du triage dans l'entrepôt du NAEB, Rwanda)

on retrouve toujours des petits débris de toutes sortes dans le café vert.  L’œil aguerri du torréfacteur en élimine la majorité.  On peut trouver des grains de maïs dans les cafés du Mexique par exemple.  Ils sont faciles à repérer car ils « pop » et deviennent tout blancs.  Je dirais que les plus difficiles à travailler sont les cafés naturels surtout ceux de l’île de Sumatra.  On achète du grade 1 « triple pick » et on peut retrouver à l’occasion, des petits morceaux de bois, de minuscules fragments de béton, relique de la méthode de traitement de la cerise qui donne tant de caractère à ces grains.  Occasionnellement, on retrouve même de petits clous, morceaux de broche, un collègue torréfacteur a même déjà retrouvé un morceau de noix de coco.  Des légendes hantent certains torréfacteurs avec des histoires de dents, d’ossements humains, de balles de fusil, de pierres précieuses, de bijoux et même des enfants… 

Certains moulins de qualité possèdent un aimant au centre du cône, juste avant les meules, afin de retirer les objets métalliques.  Les Malkhonig par exemple en sont tous équipés.

Cela fait donc 8 ans que j’utilise le café torréfié par Brulerie du Quai (un excellent torréfacteur en passant) et c’est la première fois qu’un objet influence et dérègle un moulin.  C’est facilement corrigeable et je n’ai jamais entendu parler d’un moulin endommagé gravement par ce type de problème.

C’est un sujet un peu tabou parmi les torréfacteurs car seuls les industriels possèdent un « destoner », et tous les autres peuvent donc être victimes d’une petite pierre qui aurait passé outre la vigilance du maître torréfacteur.

Certains torréfacteurs peuvent faire leur fin-finaud en disant qu’ils n’achètent que des grains de qualité supérieure, mais c’est ce que nous faisons et on en trouve à l’occasion.  Personne n’est à l’abri de ce désagrément, et même avec un destoner, une petite pierre de la grosseur d’un pois et de la même densité qu’une fève de café peut passer au travers du système et se retrouver dans un moulin.

Je profite alors de cette anecdote pour vous sensibiliser au nettoyage de votre moulin.  Prenez l’habitude de dégager complètement les meules afin de les nettoyer et pour vérifier si rien ne les obstrue.  Nettoyez également celles-ci  avec une brosse (j’utilise une brosse à dent) pour retirer la poussière qui s’accumule entre les dents des meules et qui rendent les arêtes de celle-ci rondes et moins coupantes. 

Mon but n’est pas créer un sentiment paranoïaque parmi vous car cette situation arrive très rarement.  Je n’ai jamais reçu d’appel de clients me disant qu’une pierre avait bloqué son moulin mais si cela arrivait n’hésitez pas à nous appeler.  D’ailleurs, vous pouvez constater en parcourant certains forum de discussion que cette situation est plus commune qu’on ne l’imagine, plusieurs personnes relatent même avoir trouvé de petites pierres dans des cafés torréfiés par Starbucks. 

Je vous laisse sur cette petite vidéo trouvé sur youtube et dans laquelle le gars nettoie son moulin avec du riz.  Ça vous donnera une idée de la simplicité de l'intervention.  De mon coté, j'utilise une brosse à dent et un petit aspirateur.  Je porte aussi votre attention sur le fait que les meules d'un moulin sont coupantes et peuvent vous blesser sérieusement.  Dans la vidéo, on voit clairement le moulin branché au mur alors que notre barista en herbe se fout les doigts dedans.  J'ai bien ri mais c'est franchement inconscient.  

Bonne semaine!


 

 

 

 


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