L'amertume


Dany Marquis

L'amertume dans le café

Amertume

Dans plusieurs produits alimentaires, l’amertume est une caractéristique appréciée et désirée. La bière, le chocolat noir, les vins rouges ont des profils qui affichent l’amertume comme une qualité.  Toutefois, l’amertume se doit d’être bien contrôlée afin de participer à l’expérience gustative. Et le café ne fait pas exception, toutefois, l’amertume du café est une caractéristique que je n’apprécie pas particulièrement. C’est pourquoi je demeure toujours perplexe lorsqu’un client me demande un café amer,  car pour moi, l’amertume d’un café, contrairement à la bière par exemple, entre dans la catégorie des défauts. Du moins, qu’il faut essayer de dompter, de minimiser et d’intégrer dans un profil de goût recherché.

Tout d’abord, on doit savoir que l’amertume fait partie des 4 saveurs primaires, des sensations identifiées par la langue et les papilles gustatives.

  • Acide
  • Sucré
  • Salé
  • Amer

On pourrait ajouter l’Umami mais ce n’est pas vraiment quelque chose qu’on retrouve dans le café.  À moins de remplacer le sucre par du glutamate monosodique, ou de mettre du coffeemate, ou même de regarder les ingrédients de la crème de certaines grosses compagnies de café…

Si on regarde la roue des saveurs du café, l’amertume se décompose en deux sections :

                        • Rude (Harsh)
                          • Alcalin
                          • Caustique
                        • Mordant (Pungent)
                          • Phénolique
                          • Créosol

Rien de bien tentant là-dedans. Le café contient naturellement une certaine part d’amertume, à cause de la caféine, de certains acides non volatiles (chlorogénique et quinique), de la trigonelline, un alcaloïde qu’on retrouve dans plusieurs autres plantes dont les feuilles de thé, les fèves de cacao, de cola, les graines de chanvre. Voilà pour le côté naturel de l’amertume de la fève de café vert qui est grandement atténuée durant la torréfaction. Mais voilà qu’on peut également amplifier la sensation d’amertume lors du développement de la torréfaction et au niveau de la préparation à la tasse.

On va donc parler d’amertume rude (Harsh) lorsque l’amertume est additionnée à une acidité dominante tandis que l’amertume mordante (Pungent) est plutôt due à une combinaison avec un côté salé plus prononcé. Souvent, les cafés de basses qualités comme les robustas possèdent ces saveurs mais en général ces cafés ne sont pas commercialisés. Les cafés qui aboutissent généralement dans les entrepôts des fédérations de producteurs de café ont passé les tests rigoureux des experts en  dégustation. Cette démarche permet d’avoir des cafés équilibrés possédant une amertume naturelle agréable et acceptable et d’identifier la qualité du grain afin d’en fixer le prix d’exportation.  

Donc, les cafés reçus dans l’atelier de votre torréfacteur préféré ne sont pas des cafés amers. Ne reste que la torréfaction qui peut, dans certains cas, développer amertume mordante, phénolique surtout, lorsque le grain dépasse le 2e craquement, comme pour notre très fameux Réveil Zombie ou son jumeau le Biologique ZombieCes derniers sont d'une amertume pouvant réveiller même les morts ! (sans pour autant perdre leur saveur de cacao fumé). À ce moment, la fève subit une Pyrolyse digne d’une distillation sèche employée pour extraire de l’essence du charbon de bois. Donc, une torréfaction poussée produit automatiquement un café très amer. Tant mieux pour ceux qui recherchent ce type d’expérience, mais dans mon cas, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. On reconnait un café torréfié au 2e craquement à son apparence huileuse, sa couleur très foncée tirant sur le noir. Avec ce type de grains, la majorité des sucres développés durant la réaction de Maillard sont détruits durant la pyrolise de la fève, détruisant toutes saveurs sucrées, et les remplaçant par des saveurs amères, phénoliques, souvent associées à des arômes ou parfums « médicinaux » ou de « band-aid ». C’est donc votre torréfacteur préféré le responsable !  Mais si c’est ce que vous vouliez, tant mieux, le voilà responsable de votre bonheur.

Mais si vous optez pour un café moins torréfié, il y a de grandes chances que vous en développiez l’amertume à la préparation. 

Ce que je veux dire par là, c’est qu’à moins d’acheter un café torréfié très noir, si votre café est amer, c’est votre faute ! Oui, oui, à vous, et non au torréfacteur ! Je le mentionne, car je discute souvent avec des torréfacteurs débutants qui se font mettre sur le dos toutes les incompétences des consommateurs en termes de préparation. 

L’amertume de votre tasse de café peut venir d’un ou d’une combinaison des trois points suivants :

  • Sur-extraire le café ;
  • Utiliser de l’eau trop chaude ou trop froide ;
  • Ne pas mettre le bon niveau de mouture.

Sur-extraire le café

En bref, faire passer trop d’eau à travers la masse de café.  Ce principe s’applique surtout pour l’espresso, mais aussi aux autres méthodes de préparation.

Une fois que l’eau a tiré des éclats de la fève de café torréfiée tous les éléments solubles, les huiles, les poussières, il y a un stade ou le café n’a plus rien à offrir. À ce moment, il est temps d’arrêter la pompe de votre machine espresso.  En général, on va parler pour un espresso d’un ratio de 30% pour un allongé (18g de café / 60g de café liquide) Si vous le voulez plus allongé, pitié, ne continuez pas d’envoyer de l’eau avec la pompe à travers la mouture ce qui aura pour effet d’augmenter l’amertume du café. À ce moment, il est préférable d’ajouter de l’eau chaude à votre extraction, préférablement avant pour ne pas endommager le crema. On appellera ce breuvage un americano car en continuant l’extraction vous irez chercher des composantes plus profondes à l’intérieur des éclats de café, qui accentueront l’amertume de votre tasse.

Dans le cas du café filtre, faire passer trop d’eau à travers la mouture aura le même effet. Dans le cas d’une préparation par immersion complète comme un piston ou clever, ce sera plutôt un contact trop long qui accentuera l’amertume. 

Donc, trop d’eau ou contact eau/café trop long. 

 

Mauvaise température de l’eau

La température idéale de l’eau pour la préparation d’un café se situe entre 92°C et 96°C. Cette température est définie par la norme « Golden cup » de la SCAA. Une température trop basse sous-extrait le café, tandis qu’une température trop haute fait  ressortir les mêmes composantes amères qu’une sur-extraction. Il est difficile avec les machines résidentielles d’avoir un contrôle sur la température. Encore une fois, si votre café n’est pas bon, n’allez pas battre votre torréfacteur préféré, essayez de mesurer la température de votre eau. Si celle-ci n’est pas entre 92°C et 96°C, ne cherchez pas plus loin.

Par exemple, la température de la bouilloire des cafétières Keurig est de 89°C (192°F) pour une température de préparation entre 82°C et 85°C. 

Niveau de mouture

Ici, je peux reprendre le concept de la sur / sous-extraction. Une comme l’autre accentuera l’amertume de votre tasse. 

Ce qui doit être pris en considération ici, c’est que le niveau de la mouture doit être adapté au temps de contact eau/café requis par la méthode de préparation choisie. 

Pour un espresso, au temps de contact très court (30-45s) on utilisera une mouture très fine. Pour un piston, pour 5 minutes d’infusion, on utilisera une mouture grossière. 

Si votre mouture n’est pas adaptée, vous serez en sur-extraction avec une mouture trop fine pour votre méthode de préparation, tandis qu’une mouture trop grossière créera une sous-extraction. C’est pour cette raison qu’un moulin à la maison est à privilégier afin de bien maitriser cet aspect.

5 trucs pour un café moins amer

Maintenant que vous en savez un peu plus, voici 5 trucs pour vous aider à obtenir un café moins amer et plus agréable :

  1. Acheter des cafés moins torréfiés, avec le moins, sinon aucune, tâche d’huile sur la fève. Les cafés de torréfaction légère ont moins d’éléments solubles, un contenu en acidité supérieur, et des arômes beaucoup plus riches et nombreux que les cafés trop torréfiés. Les cafés moins torréfiés sont moins amers ;
  2. Utiliser le bon dosage et temps de contact. Norme SCAA 1/16 = 28g de café pour 450g/ml d’eau. Contactez votre torréfacteur pour plus d’infos relativement à votre méthode de préparation ;
  3. Moudre votre café avec un moulin juste avant la préparation, au bon degré de mouture ;
  4. Utiliser une méthode filtrée (Chemex, Kalita, V60, etc) le filtre absorbera une partie des éléments solubles pouvant causer de l’amertume ;
  5. Se procurer des équipements de préparation de qualité, les entretenir et apprendre à les utiliser. 

 

Et pour ceux qui veulent continuer à me lire, sachez que le lien direct avec le café s’arrête ici et que je me permets un peu de cabotinage philosophique basé sur mes écrits ci-dessus. 

L’amertume…  

Car si on en retrouve dans certains aliments, on peut en retrouver également en soi. Cette étrange sensation d’injustice, de colère, de révolte et de tristesse, tout mélangés ensemble au fond de notre cœur.  Vous savez de quoi je parle, on y passe tous. Il suffit de vivre une situation particulière qui nous fait souffrir et qu’il y ait un responsable entre nos malheurs et le bonheur. C’est la faute à… Alors, on impute notre situation  à quelqu’un de notre entourage, en se disant qu’il aurait pu nous aider à l’éviter. Alors, ce sentiment d’injustice, de colère, de révolte, de tristesse nous ronge de l’intérieur. Ces sentiments qui demeurent prisonniers au fond de notre cœur finissent par fermenter pour donner à nos propos, à nos actions, un goût amer, rude et mordant. En fait, cela nous importe peu, car l’amertume est surtout ressentie par les gens autour de nous. Véritable poison, on peut conserver l’amertume au fond de soi très longtemps, car la rancune est une des conditions à l’établissement de l’amertume. Et cette colère persistante s’accroche et nous transforme, nous fait courber le dos, nous fait rentrer le menton entre les épaules, nous fronce les sourcils, nous plisse le front. Elle nous convainc même que nous avons raison. C’est injuste. Et on se met à jouer à l’avocat du diable chaque fois que quelqu’un nous parle de ses rêves, on critique sans humilité, sans courtoisie.  Et cette amertume demeurera en nous tant qu’elle n’aboutira pas, tant qu’elle ne sortira pas en action concrète, pour aller au bout, pour l’exorciser, pour boucler la boucle. L’amertume peut vous tuer. C’est long, pénible et mortel.  

Alors si vous croyez que vous avez un peu d’amertume en vous, ou pire que votre cœur déborde de ce sentiment diffus et sournois, je vous invite à ouvrir la porte à en éliminer toutes traces en vous. 

5 truc pour un cœur moins amer 

Maintenant qu’on a ouvert la porte, voici 5 trucs pour vous aider à vous débarrasser de l’amertume en vous :

  1. Bougez vos fesses au moins 30 minutes par jour.  Si vous n’avez pas le front mouillé au bout de 30 minutes, ça ne compte pas. La pluie non plus ne compte pas.  Poussez la machine qu’est votre corps, poussez-la au bout.  Ça fait du bien ;
  2. Prenez du temps de calme et de repos. Achetez-vous un hamac, allez où il y a des arbres, de l’eau, de la nature, du vert, et installez votre hamac entre deux arbres et balancez-vous doucement en regardant les nuages. 2 heures minimum ;
  3. Souriez, forcez-vous s’il le faut. Souriez avec les yeux, faites aux gens que vous rencontrez des sourires sincères, ceux qui forment les pattes d’oie.  Les gens vous trouveront peut-être fou, mais avec le temps, ça transforme ;
  4. Entourez-vous de positif, de gens positifs, joyeux, qui sourient avec les yeux, écoutez de la musique joyeuse, des films joyeux ;
  5. Buvez du bon café. Fallait bien que je la mette !
  6. Prenez soin de vous, faites-vous du bien, vous le méritez. Et parce que vous êtes quelqu’un de bien, vous vous pardonnez et passez par-dessus les évènements merdiques de la vie. 

Et après avoir mis en pratique ces quelques trucs, vous pardonnerez à l’origine de votre amertume, car la vie est comme un aliment, un joyeux mélange de sucré, salé, d’acidité et d’amertume. Et les plaisirs du monde, même les plus parfaits, ont toujours une touche d’amertume.

C’est comme le café ! 

Dany Marquis


7 commentaires


  • Diane

    En effet, très informatif. Merci.


  • Ghislain Blais

    Merci pour ce texte, ces informations me seront très précieuse pour réussir (un jour) un bon café avec ma petite machine à la maison.


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