Obsolescence programmée


Dany Marquis

Obsolescence programée

J’aime bien travaillé dans mon nouvel atelier à réparer des cafetières espresso.  J’ai plus d’espace, plus d’éclairage et j’ai le vent de la mer qui entre par la fenêtre…  Je trouve qu’il y a quelque chose de zen à redonner vie à des appareils endommagés.  On doit souvent user de créativité lorsqu’on fait face à des problèmes jamais vus et l’attention que demande ce type d’intervention me fait déconnecter de mon quotidien parfois rock’n roll (pour fonctionner une cafetière a besoin d’eau et d’électricité, un mariage à prendre au sérieux…)

Je vous recommande d’ailleurs une lecture de l’auteur Matthew B Crawford, Eloge du carburateur.  C’est un essai sur le sens et la valeur du travail manuel.   En bref, l’auteur plaide en faveur du travail manuel et fait une critique implacable des politiques systématiques d'allongement de la scolarité et des visions optimistes qui conçoivent l'avenir du travail sous la forme radieuse de la « société de la connaissance », et de travailleurs intellectuels.   Dans un pays où on aspire à faire du travail de bureau ou à devenir fonctionnaire, c’est d’actualité.

C’est d’ailleurs dans cette veine que je me désole de retrouver sur le marché de plus en plus de cafetières espresso irréparables.   Les fabricants d’équipements sortent des cafetières tellement compliquées à réparer que c’est plus facile de la sacrer au vidange et d’en acheter une autre.  Y a toujours moyen de me l’apporter ou à la boutique de cafetière de votre coin. Mais voilà, le temps que je vais passer sur votre machine, additionné au coût des pièces équivaudra presque au prix d’une machine neuve.  Alors la majorité de mes clients disent de laisser tomber et de leur proposer un nouveau modèle.  Malgré la vente d’une machine, ça me rend toujours amer.

Sur la photo vous avez une Bréville Cafe Roma, qui se détaille autour de 175-200$ neuve.  Lorsque elle est arrivé à l’atelier, mon client me dit que couler un espresso prend énormément de temps et qu’il aimerait que je la nettoie (décalcification).  Pas de problème, j’amène ça sur le bench, la branche et m’aperçoit qu’en effet, ça coule presque pas et que la pompe fait un drôle de bruit.  Je procède alors à la décalcification de la machine et me rend compte que malgré que tout soit maintenant nettoyé, la pompe ne fonctionne pas correctement.  Pronostic : Pompe défectueuse.  J’en suis déjà rendu à 30 minutes de travail sur la machine.  Je rappelle mon client et lui dit que pour changer la pompe, il va me falloir 2h + coût de la pompe pour une facture finale d’environ 120-130$.  Il me dit avoir payé sa machine 200$, qu’il l’utilise depuis 2ans et qu’il aimerait mieux en acheter une neuve.  Je lui en vends une sur le champ, il est content.  Je suis content.  Mais où est le problème?

2 heures!  2 heures pour changer une petite pompe dans une machine d’une simplicité incroyable ( réservoir + pompe + bloc thermique + valve groupe ou vapeur) c’est beaucoup trop!  Eh bien imaginez-vous donc  que pour enlever la pompe, on doit démonter complètement la cafetière puisque la pompe est fixée sur une plaque rivetée, inaccessible, et qu’ils ont installé la pompe vers l’intérieur de la machine au lieu de l’extérieur.  Bref, un magnifique cas d’obsolescence programmée.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Obsolescence_programm%C3%A9e

Les ingénieurs qui ont dessiné ce type de modèle auraient très bien pu mettre la pompe accessible en enlevant un panneau latéral…  Était-ce calculé?  Selon l’article de wikipédia, nous sommes devant un cas de « Défaut fonctionnel […] Lorsqu'une pièce ne fonctionne plus, l'ensemble du produit devient inutilisable. Si le coût de réparation, constitué du prix de la pièce de remplacement, du coût de la main d'œuvre et des frais de transport, s'avère supérieur au prix d'un appareil neuf vendu dans le commerce, il devient alors onéreux de vouloir réparer l'appareil endommagé. […]

Dans mon exemple ci-dessus, le prix de la réparation ne dépasse pas mais s’en rapproche beaucoup.

Ce type de situation se retrouve dans beaucoup trop d’appareil, et nous devenons dépendants et esclaves de ce type de technologie puisqu’incapable d’en faire la réparation.  L’Ipod en est probablement la représentation typique.

Je conclurais en vous disant d’essayer d’acheter uniquement des appareils, en l’occurrence des cafetières espresso, dont vous êtes sûrs d’une possibilité de réparation.  Demandez à votre vendeur si vous pouvez avoir un manuel technique de la machine avec une vue explosée de ses composantes et si c’est possible d’acheter des pièces.

Bon magasinage!

Dany


6 commentaires


  • Chantal Leblanc

    Nous vivons exactement le même problème avec notre Café Roma (écoulement excessivement lent, pompe au son affaibli, etc) achetée usagé en 2013. Mon compagnon souhaite en faire la réparation lui-même mais aimerait d’abord connaître le prix d’une pompe breville pour cette machine.

    Merci pour votre aide!


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